1. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous dire ce qui vous passionne dans votre métier ?
Je m’appelle Franck Grangette, je suis réalisateur de documentaires. Ce qui me passionne avant tout dans ce métier, c’est la rencontre : prendre le temps d’écouter, de comprendre, de me laisser surprendre par des parcours de vie, des territoires, des silences aussi. Le documentaire me permet de regarder le monde avec attention et respect, de raconter le réel sans le trahir, en essayant toujours de rester au plus près de l’humain.
2. Comment vous décririez-vous, en tant que personne et en tant que créateur d’images ?
Comme créateur d’images, je me considère avant tout comme un passeur. Après plus de vingt ans à filmer à travers tout l’océan Indien, j’ai appris que l’image n’est jamais un simple décor : elle porte une mémoire, une culture, une émotion. J’essaie de filmer avec respect, en laissant de la place au réel, à la lumière naturelle, aux gestes simples. Mon regard s’est construit sur le terrain, au contact des gens, et je cherche avant tout une image sincère, juste, qui serve l’histoire plutôt que de s’imposer à elle.

© D. Ahamada Saïd
3. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler sur le projet AQUAMARINE ?
Ce qui m’a donné envie de filmer ce beau projet, c’est parce qu’il parle de transmission, de regard et de responsabilité. J’ai été touché par l’idée d’accompagner des enfants dans la découverte de leur environnement et de montrer comment un lieu familier peut devenir un espace à protéger. En tant que réalisateur et caméraman, j’ai ressenti le besoin de mettre mon regard au service d’une démarche positive, concrète, tournée vers l’avenir et profondément humaine.
4. Si vous ne pouviez montrer qu’un seul plan pour résumer l’échange d’expériences entre Madagascar et La Réunion, lequel choisiriez-vous — et pourquoi
C’est très difficile de résumer ce film qu’à travers un simple et unique plan. Les tournages à Madagascar et sur l’île de la Réunion sont une succession de rencontres, de moments forts, émouvants…
J’ai malgré tout été très touché quand les enfants de Madagascar et de la Réunion ont dansé ensemble, main dans la main, dans la cour de récréation. Ils ne parlent pas la même langue, mais la communication à travers les regards et les sourires était très touchante.
6. Quels aspects du projet vous ont paru les plus intéressants ou innovants, d’un point de vue environnemental ou éducatif ?
Ce qui m’a semblé le plus intéressant, c’est la manière dont le projet relie l’éducation à une action concrète sur le terrain. Les enfants ne se contentent pas d’apprendre des notions théoriques : ils observent, expérimentent et prennent soin de leur environnement immédiat. Le dialogue entre deux territoires de l’océan Indien apporte aussi une dimension très forte, en montrant que les enjeux écologiques sont partagés, malgré des réalités différentes. Cette approche rend l’écologie vivante, accessible et profondément humaine.

© D. Ahamada Saïd
7. Quel a été le plus grand défi pour traduire visuellement à la fois l’énergie des élèves et les enjeux humains et environnementaux du projet ?
Le principal défi a été de trouver le bon équilibre entre l’énergie spontanée des élèves et la profondeur des enjeux humains et environnementaux. Il fallait capter leur enthousiasme sans le survoler, et en même temps laisser de la place au temps long, à l’observation, aux gestes simples. Visuellement, cela demandait beaucoup d’écoute et de patience, pour que les images restent sincères et rendent justice à la fois à leur vitalité et au sens du projet.
9. Y a-t-il une anecdote de tournage qui vous a fait rire, paniquer… ou vous a fait prendre conscience d’un aspect du projet que vous n’aviez pas imaginé ?
Il y a eu un moment assez simple, presque anodin, où un enfant m’a demandé pourquoi je filmais « tout ça », en me disant que pour lui, prendre soin de la plage allait de soi. Ça m’a fait sourire, mais surtout réfléchir. Je me suis rendu compte que ce que nous cherchions à documenter comme un projet ou un enjeu était, pour eux, quelque chose de profondément naturel. Ce décalage m’a rappelé que le film devait avant tout rester à hauteur d’enfant, dans leur évidence et leur sincérité.

© D. Ahamada Saïd
10. Est-ce que cette expérience a modifié votre manière de voir le littoral, l’éducation des enfants et la transmission des connaissances environnementales ? Si oui, de quelle manière ?
Oui, cette expérience a profondément changé mon regard. J’ai compris à quel point le littoral peut être à la fois un lieu de jeu, d’apprentissage et de responsabilité. J’ai aussi mesuré l’importance de l’éducation pratique : voir les enfants agir directement sur leur environnement rend la transmission des connaissances beaucoup plus vivante et durable. Cela m’a rappelé que sensibiliser, c’est d’abord accompagner, montrer par l’exemple, et laisser chacun découvrir le lien intime qui nous unit à la nature.
11. Si vous pouviez laisser aux élèves et aux spectateurs un seul message à emporter de ce film, lequel serait-ce ?
Je voudrais qu’ils retiennent que chaque geste compte et que l’on peut tous, à notre échelle, prendre soin de ce qui nous entoure. Que protéger l’environnement n’est pas seulement un devoir, mais aussi une manière de se connecter au monde et aux autres, avec curiosité, respect et responsabilité.

